Internet a-t-il une mémoire ?

Pubblicato su Le Monde Interactif venerdì 16 agosto 2002

On ne se baigne jamais deux fois dans le même flot virtuel. Tout omniscient
qu’il soit, le média du futur ne se souvient pas de ce qu’il disait hier.
Une mine de connaissances, certes, mais avant tout un flux où passe sans
sillage l’information, Internet s’efface à mesure qu’il sécrète.
Le Web, fleuve d’amnésie ? Jusqu’ici notre patrimoine s’est patiemment
constitué, collectant et préservant des supports matériels.


Cette autorité de l’être n’a plus cours : média d’une inédite
fluidité, Internet consacre le règne du devenir. Chance historique
de progrès, c’est aussi un défi sans précédent :
garder trace du flux, en photographier les instants, en suivre le mouvement,
lui donner une mémoire, qui, pour l’heure, lui fait défaut. Sans
cet immense travail d’archivage, des pans entiers de notre culture disparaîtront
à jamais.

Boule de cristal et corne d’abondance, le Web omniscient accuse sept titres
d’originalité, autant de handicaps à la constitution d’une mémoire
digitale.

1. L’immatérialité : Internet transmet sans matière. Esprit
sans corps, le message survit grâce aux rotations des sites d’accueil,
rebondissant de machine en machine. Il n’y a plus de stockage localisé,
mais des flux déterritorialisés de mémoire virtuelle.

2. La volatilité : Internet consacre le règne de l’éphémère.
Média de flux, il affiche une extraordinaire instabilité des contenus
: 70 % de ses pages ont une durée de vie inférieure à quatre
mois.

3. L’instabilité technologique : Internet modernise sans cesse ses paramètres.
Si cette évolution technique perpétuelle (logiciels, applications,
standards d’encodage…) nourrit la vitalité du réseau, elle fragilise
aussi sa conservation. Sans conversion régulière à un format
standard, l’e-contenu du présent sera illisible dans dix ans.

4. L’immensité : Internet accroît sans cesse son périmètre.
La croissance du Web se stabilise : 18 % entre 2000 et 2001, contre 82 % quatre
ans auparavant. Avec plus de huit millions de sites recensés en 2001,
Internet est devenu un mass media adulte. Si les Etats-Unis concentrent 50 %
des contenus du Web, la France n’en représente que 2 %. Le réseau
parle américain.

5. La mixité : Internet fait converger tous les médias. Grâce
à la numérisation, textes, sons et images sont convertibles en
fichiers malléables. Le Web, média inédit et complexe,
accueille et diffuse tous les médias antérieurs sans se résumer
à leur somme : la richesse du sens s’y élabore par l’interaction
des formes d’expression.

6. L’hypertextualité : Internet favorise tous les liens. Si le réseau
suggère des pistes, la navigation y est invention et tous les chemins
se valent. Le sens se construit dans l’errance, de lien en lien, de site en
balise.

7. La non-finitude des objets : Internet voue tout contenu à l’inachèvement.
Alors que depuis l’imprimerie tout texte était datable et assignable,
le processus d’actualisation permanente d’un contenu électronique remet
tout en question : comment conserver une œuvre sans ancrage spatial ni
temporel ?

Ainsi, l’économie de la mémoire est bouleversée par la
numérisation des données mises en réseau. Immatérialité
et volatilité rendent les contenus d’Internet difficiles à saisir.
L’immensité et l’hypertextualité génèrent une complexité
inouïe qui pourrait décourager l’archivage des contenus d’Internet.
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